A l’Afder nous accueillons toutes les facettes de la maladie et le jeu est une drogue très puisssante. Beaucoup de dépendants en rétablissement une fois ré-installés socialement tombent dans le piège en pensant qu’ils ne sont accros qu’à leur produit de choix. Malheureusement cette maladie se cache dans de nombreux comportements qui semblent de la vie courante, annodins : relation affective, gourmandise, régime, pratique sexuelle, sport, travail… Dispositif d’aide à distance de l’Afder : 0652 235 505
Face à ce fléau, l’Etat mise sur la prévention et l’encadrement pour leur permettre de s’en sortir.
« Si l’enfer existe, c’est un casino , et ma vie est un enfer à cause du casino », écrit laconiquement Véro*, sur le forum de SOS Joueurs. La honte empêche souvent les malades d’évoquer leur problème avec des proches.
C’est sur des forums en ligne comme celui-ci qu’ils confient anonymement leur détresse et racontent la spirale infernale dans laquelle ils sont tombés : la perspective de gains qui envoie au cerveau sa dose d’adrénaline, les pertes qui s’accumulent, la vie grignotée par le jeu, le sentiment magique de pouvoir « se refaire » le lendemain, les mensonges, les emprunts qu’on ne peut rembourser, l’isolement, les idées noires…
Sylvie*, ancienne responsable des services relations humaines, administratifs et financiers dans une PME, est dépendante aux machines à sous depuis une dizaine d’années. Elle a commencé à jouer alors qu’elle traversait une période difficile dans son couple. « Après une dispute avec mon mari, je suis partie pour lui montrer que j’en avais marre de rester à la maison quand il sortait », raconte-t-elle sur le forum. Direction le casino. Le piège se referme sur l’épouse délaissée, qui éprouve le besoin d’y aller de plus en plus souvent. Jusqu’à piquer dans la caisse de son entreprise. « En 2011, j’ai commis l’irréparable et j’ai perdu mon travail ». S’ensuit une grosse dépression.
Sylvie, qui s’est déjà fait interdire de casino à deux reprises, n’arrive pas à se libérer de son addiction. « J’ai tellement de problèmes financiers que j’y retourne pour essayer de m’en sortir. C’est de pire en pire et je suis très mal. Je n’ai même plus envie de vivre. »
9,1 milliards d’euros misés en 2017
Plus de la moitié de la population française joue à des jeux d’argent, au casino, au bureau de tabac ou en ligne, la plupart du temps de manière occasionnelle et récréative. Mais environ un million de Français adoptent un comportement de jeu à risque, susceptible de produire des dommages financiers, professionnels ou personnels.
Et quelque 250 000 d’entre eux sont des joueurs excessifs ou pathologiques, en perte de contrôle, d’après l’Observatoire des jeux. A l’image d’Abel, joueur obsessionnel campé par Tahar Rahim, héros du film Joueurs, de Marie Monge, qui n’hésite pas à trahir ceux qui l’aiment pour quelques jetons de punto banco, un jeu de cartes inspiré du baccara.
La légalisation des jeux d’argent en ligne (paris sportifs, hippiques et parties de poker) en 2010, tout comme, avant elle, celle des machines à sous en 1987, est venue aggraver le risque de dépendance. Ainsi, en 2017, 2,8 millions de Français s’y sont adonnés, misant 9,1 milliards d’euros.
Un record, selon l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), qui est notamment chargée de protéger les joueurs, prévenir de l’addiction au jeu et lutter contre la fraude. « Le problème concernant les jeux d’argent, c’est que le recours aux soins est rare, regrette Jean-Michel Costes, secrétaire général de l’Observatoire des jeux. D’une part, il y a un fort déni car le joueur ne reconnaît pas sa maladie et, d’autre part, même si, en France, l’offre de soins est étoffée, avec des centres spécialisés en addictologie, les joueurs en grande difficulté acceptent peu d’y être orientés ».
Ces centres n’accueillent que de 3 000 à 4 000 accros par an. L’hôpital Marmottan, à Paris, compte parmi les plus importants. Il reçoit les joueurs pathologiques en consultation et organise une fois par mois un groupe de parole anonyme et gratuit, animé par une psychologue et un médecin.
« Ce sont les patients qui en ont fait la demande. Ils peuvent partager leurs expériences, s’informer et se soutenir », explique le Dr Marc Valleur, psychiatre spécialisé dans les conduites addictives à Marmottan. Lui distingue deux profils : « Il y a ceux qui jouent par impulsivité, ce sont surtout des hommes, plutôt jeunes, qui aiment prendre des risques. Ils sont excités par les jeux pseudo-actifs comme le poker ou les pronostics sportifs, qui requièrent de l’habileté ou des connaissances. »
Le second groupe est plus hétérogène, incluant hommes et femmes de tout âge. « Il s’agit de personnes anxieuses, déprimées, qui ont traversé des périodes difficiles et jouent dans une optique d’auto médication, pour oublier leurs problèmes existentiels. Elles privilégient les jeux de hasard pur (machines à sous, roulette…), un monde de magie et de superstitions », décrit le médecin. Ces situations compulsives provoquées par les jeux, auxquels les joueurs excessifs peuvent s’adonner à des fréquences élevées, sont les plus dangereuses.
Psychothérapie, antidépresseurs…
« On peut guérir de cette dépendance, rassure néanmoins le spécialiste. Le traitement a un impact plus rapide que sur des addictions à des substances comme l’héroïne ou la cocaïne. » Les médecins disposent d’outils qu’ils utilisent au cas par cas : psychothérapie, antidépresseurs, intervention sociale (plan de surendettement, curatelle, protection des biens) et, plus rarement, hospitalisation.
Mais le Dr Valleur s’inquiète de la privatisation de la Française des jeux, prévue dans le cadre du projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). « Le jeu n’est pas une marchandise comme les autres, plaide-t-il. Il ne faudrait pas réduire à néant les progrès importants accomplis par l’Etat en matière de prévention depuis une dizaine d’années . »
Le dispositif public Joueurs Info Service propose ainsi une aide à distance (09 74 75 13 13), pour combattre le démon du jeu.