Addictions : l’expertise reconnue des dépendants en rétablissement

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Une dizaine de dépendants en rétablissement viennent de recevoir le premier diplôme universitaire validant leur statut de «patient-expert». Vincent a connu l’enfer de la dépendance pendant vingt-cinq ans. «Dix ans d’héroïne, dix ans de cocaïne et enfin, l’alcool, énumère-t-il d’un ton neutre. J’ai essayé de décrocher de nombreuses fois avant de trouver enfin une structure me correspondant.» Depuis bientôt trois ans, il n’a plus touché à rien. Devenu bénévole pour l’association qui l’a accompagné dans son sevrage, cet ex-agent immobilier a rapidement souhaité faire de la prévention en milieu scolaire son métier. «Mais mon responsable avait besoin que j’aie un diplôme universitaire. Je suis tombé sur le DU de Paris Sud, j’ai trouvé ça passionnant.»

Fraîchement diplômé, il se félicite de ce «cadeau mérité». «J’ai arrêté les études en terminale, je n’ai pas eu mon bac: à l’époque, j’étais déjà consommateur de drogue. Alors ce diplôme, même à 53 ans, c’est une grande fierté. J’ai énormément travaillé, certaines notions médicales étant difficiles à maîtriser. C’est la valorisation de ma reconstruction.»

Première promotion mondiale

Avec huit autres personnes ayant connu les affres de la dépendance destructrice, Vincent forme la toute première promotion française, et même mondiale, de «patients-experts»diplômés en addictologie. L’idée de créer un diplôme universitaire pour des malades chroniques investis auprès de leurs pairs, afin d’élargir et valider leurs compétences dans l’accompagnement et la représentation des malades notamment, est une innovation française lancée en 2009 au sein de l’université Pierre et Marie Curie à Paris.

À peine sept ans plus tard, le modèle commence déjà à essaimer puisque c’est dans un autre établissement, l’université Paris Sud, qu’a été créée, à l’initiative du Fonds Actions Addictions, la formation de «Reconnaissance des compétences du patient expert dans les addictions».

«Une parole plus forte»

Le monde de l’addictologie y a vu une opportunité pour mieux faire entendre ses besoins. «L’addiction est encore souvent associée à la notion de péché, déplore Michel Reynaud, président du Fonds Actions Addictions. C’est une maladie qui suscite moins d’empathie que d’autres. J’espère qu’en étant reconnus comme patients-experts, avec des connaissances fiables et non critiquables, les personnes diplômées porteront une parole plus forte auprès des institutions et des autorités.»

Le programme de ce DU est en grande partie le même que celui qui était déjà proposé aux médecins ou infirmiers: formation aux différentes addictions (alcool et drogue bien sûr, mais aussi jeux, sexe, psychotropes…), thérapies possibles, neurobiologie, pharmacopée… Les étudiants ont suivi des cours via une plateforme Internet et validé le tout par des examens.

«Gage de sérieux»

«Ça m’a permis d’apprendre de nouveaux savoir-faire et de formaliser des choses que je savais déjà par l’expérience», résume une autre diplômée. Chantal a sombré dans l’alcoolisme il y a une trentaine d’années quand son couple s’est mis à aller mal. Six ans de dépendance forte, marqués par la honte et le secret. Elle s’en est sortie grâce à l’association La Croix-Bleue, dont elle est devenue d’abord bénévole, puis, grimpant les échelons, responsable régionale pour le sud-est de la France.

Âgée de 59 ans aujourd’hui, elle caresse le projet d’ouvrir un jour un centre de cure pour les femmes. Son nouveau diplôme, «gage de sérieux», sera un atout. «Le statut de patient-expert va leur permettre de mieux collaborer avec certains acteurs, notamment les assistantes sociales, qui mettent parfois en doute leur sérieux», confirme Jean-Paul Tomczak, président de la Camerup, coordination de cinq associations cumulant 100.000 membres, qui a cofinancé la formation de certains étudiants.

«Visibles et formés»

Les débouchés ouverts aux patients diplômés en addictologie sont divers: accompagnement des patients dans les centres, les hôpitaux et les associations, formation professionnelle y compris de soignants, et représentation des intérêts des malades et de leurs proches auprès des instances décisionnaires (agences régionales de santé, hôpitaux…).

«Ce DU leur donne un label de sérieux: plus les patients seront visibles et formés, moins on pourra leur dire qu’ils sont militants et pas compétents», explique le Pr Reynaud.

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