Etes-vous toxicophobe ?

   « C’est des délires de camé, ça n’a donc aucune espèce de crédibilité », « quand on veut se mettre hors du système, on a rien à recevoir de ce système », « Quand on passe sa vie à taper de la chnouf en boîte de nuit, à un moment faut en payer le prix, c’est normal », « Les camés, ils vendraient leur mère pour un rail de coke », « quand quelqu’un se drogue, ça se voit », « quand on se drogue, on est forcément pas dans son état normal »…

Il existe tellement de poncifs au sujet des usagers de drogues et des toxicomanes… Et en plus d’ être nombreux, ils sont aussi validés médiatiquement et institutionnellement. 
L’ ensemble de ces poncifs pourrait porter le nom de toxicophobie. (C’est en tout cas de plus en plus d’ usage, bien que ce terme désigne aussi la peur morbide des poisons)
Ce qui en fait le nid? Des approximations au sujet des drogues elles mêmes, des usagers et de leurs « motivations », et une inversion entre les causes et les effets des sujets analysés. Ajoutons à cela une pointe d’ intérêts politiques, et tous les ingrédients pour créer une parfaite minorité discriminée légitimement sont réunis.
Tout plaisir a un prix…
Je me souviens très bien de ce que j’ ai ressentit la première fois que j’ ai pris de l’ héro. C’ était fort, c’ était intense, mais ce n’ était pas du plaisir. Non. C’ était du soulagement. D’ un seul coup, plus rien ne pouvait me toucher si je ne l’ avais pas décidé. Et l’ immense sérénité qui m’a envahie s’ apparentait bien plus à une forme d’ apaisement qu’ à une forme de jouissance.
Ca a été comme une révélation, une réponse. Enfin, j’ avais trouvé quelque chose qui atténuait un peu la puissance de ce rat creuvé que j’ avais dans le fond du ventre. Quelque chose qui faisait taire ce mal être constant que je trainais partout avec moi sans savoir d’où il venait ni qu’en foutre. Quelque chose pour reprendre le contrôle sur ma vie en la rendant de nouveau supportable.
Il est commun de considérer que les usagers de stupéfiants et les toxicomanes se droguent « pour le plaisir ». Et comme chacun sait (surtout Dieu d’ailleurs…), tout plaisir a un prix. Pour l’ usager récréatif, c’est la gueule de bois. Pour le toxicomane, ce sont les affres de la dépendance.
Or il suffit simplement d’ écouter les usagers pour entendre que ce n’est pas la quête d’une forme de jouissance qui les motive à consommer, mais bien plus la quête d’une forme de soulagement. ( « se lacher », « débrancher », « oublier cette journée à la con », « se détendre », « décompresser », « s’amuser », « se poser »… sont autant de termes hyper récurrents qui « justifient » qu’ on consomme des substances actives, d’ une bière avec les potes au rail d’ héro ou la pilule d’ exstasy…)
Et d’ainsi faire voler en éclat l’ idée des usagers/toxicos pécheurs-hédonistes, qui ont eu l’outrage de vouloir se rouler dans les plaisirs les plus sophistiqués et défendus de la vie, et qui doivent naturellement donc en payer le prix. Il s’agit en fait bien plus d’une forme d’ automédication, d’une tentative de traiter une douleur -consciente ou non- en la faisant taire ou en la rendant moins puissante, plus légère, avec tout ce que cela traduit d’ espoirs de devenir quelqu’ un de meilleur, de peut être plus performant, plus disponible et plus disposée, moins soucieux et mieux adapté.(Voila qui devrait contenter les convaincus d’ une consommation de stups pour « fuir le système »)
Pourquoi c’est important de considérer cela dans les réponses que nous apportons aux problématiques liées aux drogues?
Car cela met le doigt sur deux choses : La première à rapport à la compréhension de ce qu’est la toxicomanie, et à la pertinence des traitements qu’on lui apporte. Dans la perspective où la douleur est préalable à l’ entrée en toxicomanie, il apparaît alors que le problème ne porte finalement pas tellement sur le ou les produits en eux même, mais sur l’ usager et les « démons »qu’il a cherché à supporté,adapté ou tarir via ses consommations et addictions. La seconde est encore plus essentielle : Elle remet à sa place les causes et les effets, mettant en perspective que les douleurs liées à la misère, aux rapports de domination, aux violences diverses, etc. jouent un rôle décisif AVANT l’entrée en toxicomanie, et qu’ il est donc absolument réducteur de considérer que la déconfiture arrive APRES celle ci. Ainsi est il -une fois encore- pertinent de rappeler aux politiques que lutter contre la misère et les systèmes de domination est encore un des meilleurs moyens de prévention des toxicomanies…
L’ abstinence : la voie unique, le sacro saint, envers, et contre tout.
 
La première fois que mes parents ont appris que je consommais de l’ héroine, j’ avais juste 17 ans. (Je consommais alors quotidiennement depuis deux ans et des poussières)
Un soir, ma mère et moi sommes allées chercher des pizzas à emporter. Le type qui tenait la caisse nous a accueilliees chaleureusement car il avait reconnu ma mère. « Ha mais c’est vous qui travaillez au [nom du magasin dans lequel travaillait ma mère]! C’est sympa là bas! »
Quelques jours plus tard, ce même type m’ aperçue dans la rue, accompagnée de son exe copine, elle même toxicomane.
Ni une ni deux, il a alors cherché et composé le numéro du magasin dans lequel travaillait ma mère pour la prévenir. « Vous ne me connaissez pas, je vous ai vu avec votre fille un soir au restaurant, il faut absolument que je vous prévienne, votre fille se drogue, elle prend de l’ héroine. »
Quand je suis rentrée chez moi ce soir là, mes parents m’ attendaient dans le salon. J’ ai tout de suite compris qu’il y avait un problème, quelque chose de grave. J’ ai pensé en premier lieu à un truc du genre que mon frère avait eu un accident ou que mon père avait perdu son travail, à tout un tas de trucs en fait, mais pas du tout à moi, étrangement. J’ avais immédiatement intégré qu’il était primordial que je cache ma consommation si je ne voulais pas finir enfermée ou en taule, et je faisais donc extrêmement attention à tout vérouiller.
Mon père a alors pris la parole :
 » Salomée, on sait que tu prends de l’ héroine.
_ Heu…?
_ Pas la peine de nier, c’est quelqu’un qui nous l’ a dit, et c’est une source absolument fiable.
_ Ha bon? Et je pourrais savoir laquelle?
_ Non, ça ne te regarde pas. Et puis de toute façon c’est pas le problème. »
S’ en est suivi un détail du plan qui avait était établi en mon absence pour que je sois -immédiatement et pour toujours- « sevrée de ma merde ». Un truc à base d’enfermement en hopital psychiatrique, de main courante déposée pour me dissuader, de portable et carte de retrait spécial ado que je devais lui remettre immédiatement, et d’ autres trucs dans ce genre.
Je voyais mon père me parler comme si j’ étais soudainement devenue non seulement débile, mais en plus dangereuse. Ses mains tremblaient, il appuyait bien toutes ses phrases, cherchant une approbation que ok, c’est bon, j’ avais bien compris, j’ étais pas encore assez stone pour pas capter, j’ allais pas soudainement péter les plombs et sortir un couteau pour le menacer, yeux injectés de sang en prime.
C’ était ainsi.
Etre toxico implique qu’ on ait tous les droits sur vous. Votre vie ne vous appartient plus. Les gens vous la prennent, se l’ échangent, l’ idée même d’intimité n’est plus concevable, l’ éventualité que vous puissiez avoir un truc à dire dans tout ça n’a pas sa place, car c’est bien connu : Les toxicos sont dans le déni, ne pas ressentir le besoin ou l’envie de l’ abstinence est un symptome de leur maladie, et il est de la responsabilité morale de tout à chacun de délivrer le malade de celle ci, avec ou sans son accord. Peu importent vos raisons, peu importe ce qui vous a fait vous attacher à un ou des produits, peu importe que vous ne vous sentiez absolument pas prêt, les autres savent mieux, car n’ ayant plus toute votre tête, vous ne pouvez plus avoir un regard pertinent sur votre santé et sur vous même.
Je n’ ai pas protesté. Je ne me suis pas justifiée. Je n’ ai même pas essayé de mentir. Juste, quand mon père m’a demandé de lui donner les produits que je possédais, j’ ai répondu que justement, j’ en avais pas aujourd’hui, et devant son sourcil dubitatif, je lui ai craché un insolent « Tu veux ptêtr venir chercher dans ma culotte pour être sur » qui l’a découragé.
Quand il a terminé sa tirade, ma mère est entrée en scène, cette fois ci pour le couplet « tu te rends compte comme tu nous fous la honte » et « pourquoi tu nous fais ça? ».
A la fin de cet interminable réunion, tout le monde est allé se coucher. « On part à l’hopital à 8 heures, me fais pas le coup du réveil loupé, de toute façon c’est moi qui viendrai te réveiller » ont été les derniers mots de mon père pour cette soirée.
Mon père ne m’a jamais conduite à l’ hopital le lendemain matin. Quand il est entré dans ma chambre, je n’ étais plus là. Et ni lui ni ma mère n’ont eu de contact avec moi dans les dix prochains mois. (Les retrouvailles physiques ont demandé un an)
Ces mois là, je les ai passés à la rue, dans une situation du genre on peut pas pire. Mineure signalée en fugue, terrorisée par mes parents, par la police, obligée de me cacher et de me méfier de tout le monde -plus encore qu’ à l’ habitude- et donc, toxico par dessus tout.
Une situation du genre on peut pas pire, mais pour moi si. Le sevrage imposé, brutal, violent, le retour à l’ état d’ avant, surtout ça en fait, et l’ enfermement en HP et tout ce qu’il implique, pour moi c’ était pire, absolument pire. Et ça valait, aussi dingue que cela puisse paraître, toutes les autres douleurs du monde.
La sagesse populaire veut que « permettre à une toxicomane de consommer sa drogue, ce n’est pas l’aider ». Car qu’on se le dise : un toxico actif est un toxico qui doit être sevré. Pas d’ alternatives, pas de nuances, sevrage et abstinence sont les seules voies envisageables, concevables et autorisées. Stabilisation et équilibre ne sont même pas effleurés, ne serait ce qu’ en idée.
J’ ai en souvenir cette fille dans ma fac. Ses parents sont tombés sur un petit keps de came qu’ elle avait planqué pour les urgences dans une petite boîte de sa chambre. Ils ne lui ont rien dit le jour même, ont commandé un test sur internet, et quelques jours plus tard, il lui ont fait pisser de force dessus. Elle s’ est révélée positive à la cocaine et l’ héroine. Evidemment, elle a eu le droit au classique confiscatoire (carte de retrait, téléphone etc.), et en prime à une quasi semaine d’ horreur enfermée dans sa chambre par ses parents avant qu’ ils ne la collent en désintox.(c’est que contrairement à ce que beaucoup pensent, les places disponibles se sont pas légion!)
Cette fille pourtant, avait de bons résultats à la fac. Elle voulait devenir prof, ou graphiste « si je me retrouvais par malheur avec un casier[pour infraction à la legislation des stups]d’ici là! » qu’ elle disait.
Son année de fac a donc bien sur été sabrée, et toutes les autres aussi, puisqu’ elle n’a tout bonnement jamais repris ses études. La dernière fois que je l’ai vu, ça remonte à l’ année dernière je crois, c’ était dans la rue : elle est venue me voir, flippée, pour savoir si j’ avais pas un plan came sous le coude…
A l’inverse, je pense à cette maman qui avait appris que son fils se piquait. Passée la colère des premiers jours, elle lui a dit « Ok, je peux tout entendre, vraiment tout, je te promets que je ne vais rien faire, je veux juste savoir, et que tu me parles »
En quelques jours, il a sorti le gros de l’affaire. Surement pas tout, mais une bonne partie.
Sa mère s’est alors renseignée massivement sur un tas de trucs en matière de réduction des risques. C’ était devenu son obsession : réduire les risques.
Et d’ aborder avec son fils, de façon clair et direct, les problèmes d’ hygiène, de filtrage du produit, et de le diriger vers des centres où il pourrait trouver du matos approprié, et même lui proposer de l’ y accompagner.
Cette femme était très connue par les toxicos de ma ville. C’ était un peu la Maman de tout le monde en fait. Elle avait décidé non pas de baisser les bras, mais d’ accompagner son fils, d’ essayer de le protéger le plus possible en somme. A la réflexion, le déséquilibre qu’aurait causé une entreprise de sevrage forcé, que ce soit dans sa famille, sur son travail, sa vie amoureuse, et surtout son moral, lui est apparu mille fois plus dommageable que la situation actuelle. Qui n’ était évidemment pas top, mais sur laquelle il était possible d’ agir sans tout bousiller.
Je ne sais pas vraiment ce qu’ est devenu ce duo particulier. En fait, quelques mois après la découverte du pot aux roses par sa mère, le fils a décidé, d’ un coup, d’ entreprendre les démarches pour passer à la substitution. Il avait déja énormément diminué les shoots au profit de méthodes moins… douloureuses. Et je crois que son entreprise de passage à la substitution a tout simplement fonctionné, puisqu’on a tout simplement plus vraiment eu de ses nouvelles au bout d’un moment. (Et si par malheur il avait perdu la vie, sa mère nous aurait prévenu, c’est pour ainsi dire certain)
Des histoires de ce genre, on en trouve des pelletées chez les toxicos, et même chez les usagers récréatifs qui se font prendre au moment de leurs écarts. (Sans succès au niveau des démarches hospitalières pour eux cela dit, juste un gros foutage de merde dans la vie professionelle, familaile, personnelle, selon les « méthodes » entreprises par les « sauveurs »…)
Elles racontent bien à elles seules l’ absurdité de la sacralisation du sevrage et de l’ abstinence, qui elle même résulte de l’ absurdité de ce qu’on considère comme moteur des consommateurs de drogues : le vice incontrôlé.
Et quand il ne s’agit pas de fuir les ardeurs de ceux qui veulent nous enfermer « pour notre bien », il s’ agit de fuir celles de ceux qui veulent nous enfermer parce que nous sommes des ciminels.
Au moment où j’ écris ces lignes, le simple fait d’ être en vie, dans mon état, avec mon sang qui circule tel qu’il l’est dans mon corps, fait de moi une criminelle passible d’ un an d’emprisonnement et de plusieurs milliers d’ euros d’ amende. S’ ajoutent à cela les dix années d’emprisonnement et les dizaines de milliers d’ euros d’ amende que j’ encoure parce que je possède les produits relatifs à cet état.
C’est là, toujours au dessus de ma tête, prêt à tomber en permanence. Car il n’ y a pas d’ horaires pour perquisitionner et venir arrêter les toxicos. Et quand il s’agit d’infraction à la législation des stupéfiants, on n’a pour ainsi dire plus aucune droit. (C’est en fait l’ exact même régime qui est appliqué à ce problème qu’ à celui du terrorisme…)
Menteurs, voleurs, violents : de la grande caricature à l’ interdiction d’ exister 
Sacralisation du sevrage et criminalisation des usagers trouvent une justification en ceci : La drogue, cette entité unique, rendrait voleur, menteur, et violent. En plus d’ un tas d’ autres trucs pas très sympa.
Loin de moi l’ idée de clamer que les usagers de drogues ne mentent jamais. C’est faux. Effectivement, on est souvent amenés à mentir.
Mais finalement, avons nous réellement le droit de dire notre vérité?
Non. Dire la vérité dans notre cas revient à s’ exposer à l’ effondrement brutal et immédiat de la totalité des sphères de nos vies.
Ce n’est pas le mensonge qui est une seconde nature chez les toxcios, c’est la protection.
J’ entends déjà « haha, genre, quand on est capable de consommer des produits dangereux quotidiennement, on s’en fout de se protéger! »
C’est une (énorme) gageure. Etre toxico n’ empèche absolument pas d’ avoir un regard sur soi ou sur sa santé. Qui plus, la dangerosité des drogues tient bien plus au contexte socico-législatif qui les entourent qu’ aux produits en eux même. J’ en veux pour preuve les différences qui existent entre les toxicos qui adoptent une hygiène de vie assez stricte parallèlement à leur consommation, et ceux qui ne le font pas (par manque de moyens, par abandon…), mais aussi entre ceux qui ont subit les ardeurs judiciairo-carcérales et les autres.
Concernant la petite criminalité souvent associée (et certainement parfois d’une façon bien trop systématique) aux consommations de drogues, c’est indéniable, elle existe. Il est probable qu’ une situation de dépendance, et surtout de manque, favorise parfois un passage à l’acte de fait de violence.(En revanche, n’oublions pas qu’un tox en manque, c’est surtout quelqu’un de faible plus qu’autre chose…)
Cela dit, il a été remarqué dans tous les pays qui ont adopté une législation qui décriminalisait les usagers ou qui ont adopté des dispositifs de salles de consommation à moindres risques que la petite criminalité relative aux drogues baissait de façon quasi immédiate et très significative.
Cela s’ explique très simplement par divers facteurs, et en premier celui qui donne aux toxicomanes l’ autorisation d’ exister au moment présent. (et pas uniquement dans un futur où ils seront abstinents)
Moi même j’ ai volé pour ma came, dans les premières années de ma consommation. (Des dealers principalement, pas des grands mères comme le voudrait le stéréotype… D’ailleurs j’ ai jamais connu de toxs qui volaient des sacs à main de grands mères, mais bref.)
J’ ai cessé de le faire du jour au lendemain, une fois que j’ ai pu me faire prescrire de la Méthadone. (Par un médecin qui a décidé de se mettre dans l’ illégalité pour avoir les moyens de travailler correctement)
En fait, c’est simple : à partir du moment où les moyens de gérer mon manque m’ont été donnés, mes impulsivités et coups de panique ont diminués jusqu’à simplement disparaître.
Problème? Aujourd’hui, la Méthadone est normalement délivrée sous condition d’ abstinence démontrée via contrôles d’urine bi- mensuel, ou alors carrément de façon quotidienne. (dans ce cas là il est nécessaire de se rendre en centre tous les jours pour avaler son médicament devant un soignant)
Dans les faits, et bien les usagers qui ne tiennent pas l’ abstinence cessent tout simplement de se présenter à leurs rendez- vous si ils ont « fauté », et en plus, ils développent une forme de honte qui compromet très souvent leurs chances de re tenter une prise en charge. L’ effet et donc doublement contre- productif : Les usagers ne gardent pas de contact régulier avec un médecin, et en plus, ils sont de plus en plus dans le sentiment d’ être livrés à eux même. (très favorable pour faire un peu n’importe quoi)
Les Invisibles
 
Le premier effet de la toxicophobie est d’invisibiliser les usagers de stupéfiants.
Et finalement, là où la vindicte populaire croit discriminer et mépriser la catégorie des usagers de drogues (ce qui est donc largement légitimée), elle s’ acharne surtout -et comme d’ habitude- sur la catégorie de ceux qui n’ont pas les moyens matériels de se cacher, de s’entretenir, et de s’intégrer.
Ceux qui sont dans une extrême misère, les étrangers en situation irrégulière, les sans abris, les « accidentés » de la vie et les inadaptés du capitalo- libéralisme.
Et finalement pour ceux là, qu’ils soient usagers ou non de stupéfiants ne changent pas grand chose : dans tous les cas ils perdent.
La majorité des usagers de stups et des toxicos est invisible. Elle ne se dit pas, ne se montre pas, et a très bien intégré la toxicophobie ambiante. Elle n’a le droit à aucune espèce de forme de réunion, de revendication, puisqu’elle n’a tout bonnement pas le droit d’exister.Elle n’a le droit à aucune forme de contradiction et doit supporter le deux poids deux mesures en silence. (C’est criminel de faire tourner les réseaux pour acheter de la drogue, mais pas d’ aller aux putes ou de faire travailler des esclaves pour acheter un smartphone neuf tous les ans… C’est criminel de prendre de la coke pour faire la fête, mais pas de boire de l’alcool… etc.)
Ce qu’il faut combattre : La toxicophobie
Ce n’est pas contre la drogue et les drogués qu’il faut mener une guerre, mais bien contre la toxicophobie. Contre la désinformation et la rétention d’informations, contre la criminalisation et la stigmatisation, contre l’ isolement et la précarité, contre les systèmes de domination qui font penser à certains que leurs douleurs sont illégitimes.
C’est à ce prix, et ce prix seulement, qu’on réduira vraiment de façon significative les « vies brisées par la drogue ».